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Dictatures militaires et mafias : une comparaison entre répression, contrôle et codes d’honneur

Oct 25, 2024

Temps de lecture : 4 min

Les régimes autoritaires et militaires tels que ceux de l’Égypte, de l’Algérie, du Venezuela ou encore du Myanmar partagent plusieurs points communs avec les structures mafieuses, notamment leur capacité à exploiter des systèmes de pouvoir parallèles pour asseoir leur autorité. Bien que ces régimes puissent sembler, à première vue, diamétralement opposés aux organisations mafieuses comme la mafia sicilienne, une analyse approfondie révèle que leurs méthodes de répression, de contrôle social et leur rapport à l’honneur présentent des ressemblances, mais aussi des divergences fondamentales.


Contrôle de la société et institutions de répression

Les dictatures militaires sont souvent des systèmes centralisés où une élite exerce un contrôle rigide sur les institutions de l’État. Dans des pays comme l’Égypte ou le Myanmar, le gouvernement repose principalement sur deux piliers : l’appareil sécuritaire et le système carcéral. Ces institutions fonctionnent mieux que d’autres parties de l’État, non pas en raison de leur efficacité ou de leur volonté de servir le public, mais plutôt parce qu’elles sont conçues pour maintenir un climat de peur et étouffer toute dissidence.

La répression de la population par les régimes autoritaires se fait souvent au moyen de l’intimidation et de la violence légale, légitimée par des lois ou des décrets. Ainsi, ces gouvernements utilisent les forces de sécurité pour surveiller, opprimer, et, au besoin, éliminer les opposants politiques. Les prisons, quant à elles, ne sont pas seulement des lieux de détention, mais aussi de torture, servant à briser la volonté des dissidents et à donner l’exemple.


Contrôle social et influence de la mafia sicilienne

Contrairement aux dictatures qui s’appuient sur l’appareil sécuritaire d’État, la mafia sicilienne n’a ni prisons ni forces de police formelles à disposition. Son pouvoir repose sur une capacité à instaurer la peur et la loyauté au sein de la population par le biais de l’ultraviolence et de l’élimination physique. En Sicile, par exemple, la mafia a remplacé l’État dans certains domaines sociaux et judiciaires, s’érigeant en arbitre dans les conflits et en dispensatrice de "justice". L’ultraviolence devient un instrument de contrôle social, mais aussi une forme de justice dans les zones où l’État est défaillant.

La mafia sicilienne s’efforce également de créer un lien étroit avec la population locale en offrant une certaine forme de "protection". En retour, les individus et les familles sous l’influence de la mafia sont souvent contraints de respecter des règles strictes, notamment celles du silence (omertà) et de l’honneur. Ces règles permettent de maintenir une cohésion interne et d’assurer que chacun reste loyal sous peine de représailles extrêmes.


Les codes d’honneur : mafia sicilienne vs régimes dictatoriaux

L’un des aspects marquants de la mafia sicilienne est son code d’honneur strict. Ce code repose sur des valeurs de respect, de loyauté, de confidentialité (omertà), et de responsabilité familiale. Bien que la violence soit omniprésente dans ses pratiques, la mafia adopte un sens du "respect" et de "l’honneur" dans ses relations internes, ce qui permet de justifier ses actions devant sa communauté. Par exemple, certaines familles mafieuses ne s’en prennent pas aux innocents ni aux enfants et cherchent à préserver une certaine "moralité" dans leurs crimes.

En revanche, les régimes autoritaires militaires ne suivent pas de tels codes d’honneur. Dans des pays comme le Venezuela et l’Algérie, la répression est menée avec pragmatisme et sans scrupules, selon les besoins politiques du moment. Les codes d’honneur ne sont pas des préoccupations ; les opposants peuvent être torturés, emprisonnés, voire éliminés sans ménagement. Cette différence souligne la brutalité de l’autoritarisme d’État, qui ne reconnaît pas la nécessité de maintenir des valeurs éthiques pour justifier ses actions auprès de la population.


La violence, une réponse à la faiblesse institutionnelle

La violence extrême adoptée par la mafia sicilienne devient un outil indispensable pour combler l’absence d’institutions coercitives formelles. Contrairement aux dictatures qui disposent d’institutions sécuritaires et carcérales pour légitimer leur autorité, la mafia doit s’en remettre à la terreur et à l’intimidation. La violence est donc un instrument qui lui permet d’imposer son pouvoir dans une société qui manque de recours légaux pour faire face aux crimes.

Cependant, les dictatures militaires, bien qu’établies sur des systèmes institutionnels, utilisent également la violence, mais sous des formes souvent légitimées par l’État et l’appareil législatif. Le recours aux tribunaux pour condamner les opposants, la manipulation des lois pour réprimer les mouvements sociaux, et la présence d’un contrôle policier omniprésent donnent l’illusion d’un État "fort" alors que ses institutions sont souvent dysfonctionnelles dans d’autres domaines.


Conclusion

En fin de compte, si la mafia et les régimes militaires partagent des méthodes de coercition, ils divergent profondément dans leurs structures et leurs principes. Là où la mafia sicilienne a développé un code d’honneur rigide pour maintenir son ordre interne, les régimes autoritaires se dispensent de toute éthique morale, se focalisant sur l'efficacité répressive. Les deux modèles montrent comment le vide institutionnel peut être comblé par des formes de contrôle violent, mais soulignent aussi la différence entre un pouvoir "parallèle" qui repose sur un pacte tacite avec la société et un pouvoir d’État qui impose un contrôle absolu sans compromis.

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