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Pouvoir par la peur : autoritarisme, répression et contrôle dans l'histoire et l'économie

Jul 24

Temps de lecture : 4 min

De nombreux régimes dans l’histoire et le monde contemporain ont fondé leur autorité non sur le consentement librement exprimé des gouvernés, mais sur la peur, la répression et le contrôle systématique des libertés. Certains s’appuient sur une idéologie forte, d’autres sur une simple logique de préservation du pouvoir. Qu’il s’agisse du stalinisme soviétique, de la Chine maoïste, ou de régimes contemporains comme ceux de la Corée du Nord, de l’Iran, de la Russie ou de l’Égypte, la terreur est un outil d’ingénierie politique.


Le socle de la terreur : contrôle, censure et répression

Ces régimes partagent un trépied de domination :

  1. Répression brutale : arrestations arbitraires, disparitions, torture, exécutions. L'État se fait omniprésent et imprévisible. La peur est entretenue par l'exemplarité de la punition.

  2. Contrôle de l'information : la liberté de la presse, d’expression et d’Internet est sévèrement restreinte. L'État devient le seul narrateur de la vérité. La Chine et la Corée du Nord en sont des exemples extrêmes.

  3. Désactivation de la société civile : les syndicats, les ONG, les universités ou même les communautés religieuses sont cooptés ou muselés. Le tissu social est rendu inoffensif.


La légitimité de ces régimes ne vient donc pas d’un contrat social, mais d’un état de surveillance permanent. L’idéologie – religieuse (Iran), nationaliste (Russie), communiste (Chine, Corée du Nord), ou même monarchique (Arabie Saoudite) – sert souvent à justifier cette domination, mais n’est pas indispensable. L’Égypte de Sissi fonctionne avec une idéologie de simple « ordre et stabilité », sans doctrine structurée.


Quelle pérennité pour les régimes de contrôle ?

Historiquement, les régimes fondés sur la peur ont montré une résilience étonnante, mais aussi une fragilité structurelle.

Résilience, car la peur brise les élans de contestation. Le stalinisme a duré près de 30 ans, l’Iran des mollahs dépasse aujourd’hui les 45 ans, et la dynastie Kim règne sur la Corée du Nord depuis 1948. La peur permet d’étouffer les révoltes avant qu’elles ne prennent de l’ampleur.

Mais cette stabilité est illusoire. La fragilité vient du fait que ces régimes ne savent pas évoluer sans perdre le contrôle. À la mort du dictateur ou sous pression extérieure (économique ou militaire), tout peut basculer rapidement. L’URSS s’est effondrée en quelques mois. Le régime de Ceaușescu en Roumanie est tombé en quelques jours. Le Venezuela, malgré ses ressources, vit un effondrement silencieux.


Une économie peut-elle fonctionner sous la terreur ?

C’est là une des grandes contradictions de ces régimes. Le contrôle absolu peut neutraliser la politique, mais il bride l’économie. La croissance demande de la créativité, de la confiance, des échanges ouverts – tout ce que l’autoritarisme étouffe.


On distingue deux cas :


1. Régimes avec rente naturelle (hydrocarbures ou minerais)

  • Russie, Iran, Arabie Saoudite, Venezuela, Égypte : ces pays s’appuient sur la rente pétrolière ou gazière pour maintenir l’ordre social. Cela leur donne un répit économique : ils peuvent acheter la paix sociale, subventionner, entretenir un appareil répressif coûteux.

  • Mais cette rente est vulnérable : aux sanctions (Russie, Iran, Venezuela), aux fluctuations de prix, à la transition énergétique.


2. Régimes sans rente directe

  • Chine : cas particulier. Elle combine contrôle autoritaire et capitalisme contrôlé. Elle a su mobiliser une main-d’œuvre disciplinée, des investissements massifs, une planification stratégique. Mais le verrouillage idéologique (sous Xi Jinping) commence à freiner l’innovation et fait fuir certains investisseurs étrangers. Le modèle chinois reste dépendant de sa stabilité interne.

  • Corée du Nord : économie de subsistance militarisée, quasi autarcique, maintenue en vie par la Chine. Elle survit, mais ne prospère pas.

  • Birmanie : depuis le coup d'État de 2021, l'économie s'effondre ; les investissements étrangers se retirent, et les sanctions s'accumulent. La terreur n'est pas une stratégie de développement.


Une nouvelle exception : la démocratie minée par la peur – le cas Trump

Un développement inédit mérite d’être mentionné : l’émergence d’un autoritarisme soft au sein d’un système démocratique consolidé, comme celui des États-Unis sous Donald Trump.

Durant son mandat (2017–2021) et plus encore dans ses discours post-présidence, Donald Trump a mobilisé les outils de la peur, non à travers un appareil répressif classique, mais via :

  • La diabolisation constante de ses opposants, qualifiés d’"ennemis du peuple",

  • L'intimidation des médias, accusés de "fake news",

  • Le recours massif à la désinformation sur les élections,

  • La légitimation de la violence politique (Capitole, 6 janvier 2021),

  • Une dynamique populiste et messianique, appelant à un sauveur plutôt qu'à un système.


Cela ne repose pas sur une dictature formelle, mais sur une polarisation extrême et une érosion progressive des contre-pouvoirs. Ce phénomène illustre qu’un régime démocratique n’est pas immunisé contre l'autoritarisme – surtout lorsqu’il est instillé de l’intérieur, par voie électorale, avec le soutien d’une large base populaire.

La peur n’est ici plus imposée par un État tout-puissant, mais orchestrée dans l’espace public, entre réseaux sociaux, médias partisans, tribunaux, et tensions raciales ou culturelles instrumentalisées.

Ce cas soulève une question contemporaine cruciale : peut-on détruire une démocratie sans jamais suspendre la Constitution, simplement en manipulant la peur, la foule, et les institutions ?


Conclusion : la peur est une force… à double tranchant

Les régimes autoritaires qui s’appuient sur la peur peuvent durer. L’absence de liberté ne signifie pas l’absence de stabilité à court terme. Mais cette stabilité est rigide, artificielle, dépendante d’un équilibre souvent fragile : rente, charisme du leader, contrôle total. Elle empêche l’adaptation, la réforme, l’innovation.

Sans rente, la répression seule ne peut faire tourner une économie. Avec rente, la croissance est une illusion de surface, incapable de générer un développement humain durable. À long terme, les régimes de terreur sont condamnés à l’asphyxie ou à la révolution. Reste la question du « quand », toujours incertaine, car la peur paralyse aussi l’imaginaire de l’après.

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