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Où est partie "la classe" politique ?

Oct 30, 2024

Temps de lecture : 4 min

Autrefois, l’arène politique se voulait noble et digne, un espace réservé aux grands orateurs et aux visionnaires, où les hommes et femmes d'État se démarquaient par leur capacité à incarner des valeurs élevées : humanisme, intelligence, élégance, et vision étaient les pierres angulaires de leur image publique. Sans réseaux sociaux pour déformer leur message ou leur image, ils se distinguaient par leur subtilité et leur hauteur de vue, cherchant à rassembler plutôt qu’à diviser. Mais ce modèle d’une politique "de classe" semble aujourd’hui disparu, remplacé par une génération de leaders plus bruyants, plus provocateurs, et souvent plus polarisants. Les réseaux sociaux jouent un rôle central dans cette mutation, façonnant le discours politique à coups de phrases choc, de provocations, et de polémiques incessantes.


Une Politique de Grande Classe : L’époque des Humanistes et des Visionnaires

Jusqu’aux années 1990, les figures politiques faisaient l’effort d’incarner un modèle de savoir et de sagesse. Leur langage, leur posture, et même leur tenue vestimentaire devaient refléter une "classe" qui distinguait les hommes et femmes d'État des autres citoyens. Des personnalités comme François Mitterrand, John F. Kennedy, et Willy Brandt marquaient par leur capacité à articuler des idées complexes, à proposer une vision de société et à inspirer le respect par leur intelligence. Même leurs divergences idéologiques étaient défendues avec un certain décorum, et leurs critiques des adversaires étaient souvent portées avec des arguments réfléchis et mesurés.

Ce modèle de figure politique était façonné par la nécessité d’attirer la confiance des citoyens à travers un capital de respect, construit dans les arènes intellectuelles et dans le discours public. L’absence de réseaux sociaux impliquait que leur image publique était moins sujette à l’émotion immédiate et à l’indignation. Leurs actes et paroles étaient relayés par des médias modérés, qui construisaient lentement une réputation durable plutôt que de susciter des réactions instantanées et parfois superficielles.


Les Réseaux Sociaux et l’Évolution Vers une Politique "Scandaleuse"

Avec l’arrivée des réseaux sociaux au début des années 2000, le terrain de jeu a complètement changé. La montée en puissance des plateformes comme Facebook, Twitter, et Instagram a bouleversé la communication politique. Les réseaux sociaux récompensent les discours les plus outranciers, les attaques les plus virulentes, et les positions les plus polarisées. Dans ce contexte, être bruyant et provocateur attire davantage l’attention que d’être réfléchi et mesuré. La rapidité des publications et la viralité des contenus ont redéfini les codes de la notoriété politique : l’indignation et le scandale, plus que l’expertise ou le savoir-faire, sont devenus les moteurs de la visibilité.

Les politiciens se sont adaptés à cette nouvelle dynamique. Des figures comme Donald Trump, Marine Le Pen, Boris Johnson, Jean-Luc Mélenchon, ou encore Javier Milei, sont des exemples criants de cette politique transformée par l’ère numérique. Ces personnalités se sont illustrées par leur capacité à susciter des réactions immédiates, souvent par des discours polémiques, des affirmations provocatrices, voire des attaques personnelles ou des mensonges. Dans ce nouveau système, être offensant et polarisant devient un avantage. Paradoxalement, cette stratégie assure une place durable dans le paysage politique, car les réseaux sociaux tendent à amplifier les personnalités les plus bruyantes et clivantes.


Le Paradoxe du Pouvoir Démesuré

Cette évolution a permis à des leaders à la valeur d’État discutable de gagner une influence disproportionnée. Leur image est construite non pas sur des compétences en matière de gouvernance, de diplomatie, ou de gestion des crises, mais sur leur capacité à susciter des vagues de réactions sur les réseaux. Ce pouvoir, qui semble démesuré par rapport à leurs qualités réelles de chef d’État, pose question. En effet, l’attention médiatique ne repose plus sur les valeurs ou les capacités d’un individu mais sur sa capacité à générer du "buzz".

Prenons Donald Trump, qui a su galvaniser une base électorale en jouant sur l’indignation et la colère populaire, ou encore Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, qui manient l’art de la provocation pour mobiliser des électorats polarisés. En Argentine, Javier Milei utilise un ton acerbe et agressif pour exprimer ses opinions ultra-libérales et radicales, tandis qu’en France, Mathilde Panot utilise la critique virulente pour se faire entendre au sein d’une opposition résolument anti-establishment.


La Dévalorisation des Valeurs Politiques

En mettant en avant des leaders aussi divisifs, les réseaux sociaux participent activement à la dévalorisation de certaines valeurs autrefois fondamentales pour les responsables politiques. L’éthique, la retenue, et le respect de l’adversaire sont désormais relégués au second plan. Le mensonge devient un outil légitime de campagne, tandis que la calomnie est justifiée sous le couvert de la liberté d’expression. Au lieu d’essayer de construire un consensus, ces figures publiques jouent sur les divisions et renforcent les clivages sociaux pour maintenir leur audience captive.

Ce phénomène crée un paradoxe : bien que ces personnalités politiques soient décriées pour leurs excès, elles continuent de prospérer dans un système qui récompense ces comportements. Elles incarnent une certaine dégradation de la politique, où l’image médiatique et la présence en ligne priment sur le programme ou la compétence. Ce qui devait être une scène de débats d’idées s’est transformé en un spectacle de confrontation permanente, où l’objectif n’est plus de convaincre mais de polariser.


Repenser la Politique à l’Ère Numérique

Face à cette réalité, la question se pose de savoir comment réorienter la politique vers une direction plus constructive, plus proche des idéaux d’une époque révolue où la "classe" politique signifiait quelque chose. Revaloriser les critères de compétence, d’éthique, et d’intelligence devient essentiel dans une ère où la communication instantanée influence largement la perception publique. Cette transformation nécessiterait non seulement une prise de conscience de la part des responsables politiques eux-mêmes, mais aussi une modification de l’écosystème médiatique qui récompense aujourd’hui les discours polémiques et agressifs.

Peut-être est-il temps pour les électeurs et les citoyens de réclamer un retour à une politique plus respectueuse, où la valeur des idées l’emporte sur le bruit et l’outrage. Une politique de classe ne devrait pas être une relique du passé, mais un idéal vers lequel tendre dans un monde en quête de repères.

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