top of page

Les héritages des guerres froides

Aug 14

Temps de lecture : 3 min

Le cas du Sahara Occidental et les perspectives de la nouvelle rivalité Russie-Occident


La Guerre froide du XXᵉ siècle, qui a opposé les États-Unis et l’Union soviétique de 1947 à 1991, n’a pas seulement façonné les alliances militaires et les équilibres stratégiques mondiaux. Elle a laissé derrière elle un héritage complexe : conflits gelés, frontières contestées, régimes soutenus pour des raisons idéologiques plutôt que démocratiques, et zones grises du droit international. Ces séquelles, loin de disparaître, continuent d’alimenter des tensions locales et régionales, tout en influençant les politiques étrangères contemporaines.

Le Sahara Occidental est un exemple révélateur de ces « cicatrices » laissées par la première Guerre froide. À travers lui, on observe comment la compétition entre superpuissances a figé des conflits qui se prolongent bien au-delà de leur contexte initial. De manière parallèle, la rivalité actuelle entre la Russie et l’Occident — parfois qualifiée de « nouvelle Guerre froide » — semble préparer de futures complications comparables, sinon plus complexes.


Le Sahara Occidental : un conflit figé par la logique de la Guerre froide


a) Origines et contexte

Ancienne colonie espagnole, le Sahara Occidental est revendiqué par le Maroc depuis les années 1970, tandis que le Front Polisario, soutenu par l’Algérie, revendique l’indépendance au nom du peuple sahraoui. Lorsque l’Espagne se retire en 1975, la rivalité Est-Ouest s’invite rapidement dans la question.

  • Côté américain : Les États-Unis voient le Maroc comme un allié stratégique dans la région, un partenaire modéré face aux régimes proches de Moscou. Washington soutient donc, directement ou indirectement, Rabat, notamment via l’aide militaire et diplomatique.

  • Côté soviétique : L’URSS et ses alliés, dont l’Algérie, défendent le Front Polisario, à la fois par affinité idéologique (mouvement de libération nationale) et pour contrer l’influence américaine dans le Maghreb.


b) Conséquences de cet affrontement par procuration

Ce soutien croisé a figé le conflit. La guerre ouverte entre le Maroc et le Front Polisario (1975-1991) s’est terminée par un cessez-le-feu, mais jamais par un accord politique. Résultat :

  • Une situation de « ni paix ni guerre » depuis plus de trois décennies.

  • Un blocage diplomatique au Conseil de sécurité, où les alliances nouées à l’époque continuent d’orienter les votes et les positions.

  • Un statu quo profitable à certaines puissances, qui maintiennent leur influence régionale en jouant sur les rivalités locales.


Ce conflit gelé est typique des héritages de la première Guerre froide : une situation née d’intérêts stratégiques extérieurs, figée par des alliances, et difficile à résoudre tant que les équilibres régionaux et internationaux ne changent pas.


De la première à la nouvelle Guerre froide : un schéma qui se répète

Depuis 2014 et surtout 2022, la confrontation Russie-Occident a pris une forme qui rappelle par certains aspects la logique de la Guerre froide : sanctions économiques, course à l’armement, guerres par procuration, bataille pour l’influence en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient.


a) Exemple actuel : l’Ukraine comme épicentre

L’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 illustre cette rivalité frontale. Derrière le conflit, on retrouve des logiques comparables à celles du XXᵉ siècle :

  • Côté occidental : Défense d’un ordre international basé sur la souveraineté et la libre détermination, mais aussi maintien d’une sphère d’influence économique et militaire.

  • Côté russe : Volonté de réaffirmer une puissance régionale et mondiale, de sécuriser des marges stratégiques, et de contester l’expansion de l’OTAN.


b) Les futures complications

Comme au Sahara Occidental, la guerre en Ukraine risque de laisser des séquelles durables, même si un cessez-le-feu ou un accord partiel est trouvé :

  • Des territoires disputés (Crimée, Donbass) dont le statut pourrait rester contesté pendant des décennies.

  • Des sanctions économiques pérennes qui figeront les relations commerciales et financières.

  • Des alliances militaires renforcées (OTAN élargie, rapprochement Russie-Chine-Iran) qui rigidifieront les blocs.

  • Des guerres par procuration ailleurs : en Afrique (Mali, Soudan, République centrafricaine), en Asie centrale, voire au Moyen-Orient, où la Russie et l’Occident soutiendront des camps opposés.


Conclusion : un cycle difficile à briser

Le Sahara Occidental montre que les conflits hérités de la Guerre froide peuvent persister pendant plus d’un demi-siècle, même lorsqu’ils perdent leur importance stratégique initiale. La nouvelle confrontation Russie-Occident semble déjà reproduire ce schéma, en cristallisant des divisions qui pourraient rester ouvertes bien après la fin des hostilités directes.

L’histoire enseigne que la résolution de ces conflits gelés exige non seulement une volonté politique locale, mais aussi la levée ou la transformation des rivalités entre grandes puissances. Sans cela, les zones contestées resteront autant de « fantômes » des guerres froides passées et présentes, alimentant instabilité et méfiance pour les générations à venir.

Posts similaires

bottom of page