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Le Syndrome des « Pays Shithole » :

Jan 16

Temps de lecture : 4 min

Perceptions, Conséquences et Impacts Globaux

En 2018, l’ancien président des États-Unis, Donald Trump, aurait qualifié Haïti, le Salvador et plusieurs pays africains de « pays shithole » (pays de merde) lors d’une réunion sur la politique d’immigration. Cette remarque a suscité une indignation mondiale, mettant en lumière les préjugés et biais qui persistent dans les relations internationales. Bien que le langage employé soit grossier, il reflète une perception troublante : certains pays, en raison de leurs échecs en matière de gouvernance, de pauvreté ou d’instabilité, sont considérés comme inférieurs ou moins dignes de souveraineté, de dignité et de respect. Cette perception, souvent ancrée dans un mélange de réalité et de préjugés, a des répercussions profondes sur la manière dont ces pays et leurs populations sont traités sur la scène internationale.


La logique derrière la perception des « Pays shithole »

Le qualificatif de « shithole country » repose sur un récit simpliste : les nations minées par la corruption, la mauvaise gouvernance, la pauvreté et les conflits seraient fondamentalement défaillantes. Cette perspective fait souvent abstraction des contextes historiques et géopolitiques — exploitation coloniale, interventions pendant la Guerre froide, ou inégalités économiques mondiales — qui ont contribué à leur situation actuelle. Au lieu de cela, la responsabilité est de manière disproportionnée attribuée aux dirigeants et aux populations de ces pays, renforçant un stéréotype selon lequel ils seraient incapables de gérer leurs propres affaires.


Ce cadre narratif remplit plusieurs fonctions :

  1. Justification des interventions : Si un pays est perçu comme mal géré, les puissances extérieures peuvent se sentir justifiées d’intervenir militairement, politiquement ou économiquement.

  2. Exploitation des ressources : Qualifier un pays de dysfonctionnel crée un récit où l’extraction de ses ressources naturelles — souvent à des conditions inéquitables — est considérée comme une nécessité ou même un acte bienveillant.

  3. Érosion de la souveraineté : La perception d’incompétence réduit le respect pour la souveraineté d’un pays, conduisant à des politiques qui sapent son autonomie, telles que les sanctions, les changements de régime ou les occupations.


Conséquences de la déshumanisation des nations


1. Destruction des infrastructures et des populations dans les conflits

Les pays perçus sous cet angle sont souvent la cible de bombardements et de destructions de leurs infrastructures critiques. Par exemple :

  • Afghanistan : Des décennies de guerre ont laissé le pays en ruines, souvent justifiées par la lutte contre le terrorisme.

  • Yémen : La guerre civile en cours, alimentée par des interventions étrangères, a dévasté l’infrastructure du pays, poussant des millions de personnes à la famine.

  • Gaza et Palestine : Des opérations militaires fréquentes ont détruit des maisons, des écoles et des hôpitaux, sous prétexte de préoccupations sécuritaires.


2. Exploitation des ressources

  • Nigeria : Bien que riche en pétrole, des décennies d’exploitation par des entreprises étrangères, combinées à la corruption locale, ont laissé une grande partie de la population dans la pauvreté.

  • Congo : La richesse minérale du pays, notamment en cobalt et coltan, a attiré des pratiques prédatrices, alimentant les conflits et la dégradation environnementale.


3. Stigmatisation et discrimination des diasporas

Les personnes fuyant ces pays sont souvent victimes de discrimination à l’étranger, injustement associées aux caractéristiques négatives attribuées à leurs patries.

  • Les immigrants haïtiens aux États-Unis ont longtemps été stigmatisés, malgré leurs contributions à la société.

  • Les Syriens et les Afghans demandant l’asile en Europe rencontrent fréquemment suspicion et hostilité, accusés d’apporter l’instabilité plutôt que de la fuir.


Exemples historiques et globaux

  • Haïti : La pauvreté persistante du pays est souvent imputée à ses dirigeants, sans tenir compte du fardeau historique des réparations exigées par la France et de l’exploitation économique par les puissances mondiales.

  • Liban : Jadis un centre culturel et commercial florissant, le Liban a sombré dans une crise politique et économique exacerbée par des ingérences étrangères et la corruption locale.

  • Somalie : Qualifié d’État en échec, les luttes de la Somalie contre la piraterie et le terrorisme sont liées à des décennies d’interventions étrangères et à l’exploitation de ses ressources maritimes.

  • Algérie et Égypte : Ces pays font face à des critiques pour leur gouvernance autoritaire, mais ces qualificatifs servent souvent à minimiser leurs luttes historiques contre le colonialisme et les ingérences étrangères continues.


Humaniser le récit

S’il est vrai que nombre de ces pays souffrent de mauvaise gouvernance et de corruption, le récit des « pays shithole » est réducteur et nuisible. Il déshumanise des millions de personnes qui sont souvent victimes de circonstances échappant à leur contrôle, qu’il s’agisse de guerres, d’exploitation ou d’inégalités globales systémiques.

Par exemple, les réfugiés et migrants de ces nations quittent souvent leur pays non par choix, mais par désespoir, cherchant sécurité et opportunités. Ils contribuent de manière significative aux pays d’accueil, mais l’association à des stéréotypes négatifs conduit à leur discrimination et à leur exclusion.


Conclusion

Le syndrome des « pays shithole » va bien au-delà d’une remarque controversée : il reflète une problématique systémique plus large dans la manière dont le monde perçoit et traite les nations en difficulté. En perpétuant ces récits, les puissances mondiales justifient l’exploitation, l’intervention et la discrimination. Combattre ces préjugés nécessite non seulement une réévaluation de notre regard sur ces pays, mais aussi des efforts significatifs pour aborder les facteurs historiques et systémiques qui ont façonné leurs luttes. Le respect de la souveraineté, l’équité dans le partage des ressources et le soutien au développement authentique sont des étapes cruciales vers un ordre mondial plus juste.

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