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L’Imaginaire Commun : Italie vs. Liban

Dec 10, 2024

Temps de lecture : 3 min

Cornelius Castoriadis, philosophe et psychanalyste franco-grec, a développé la notion d’imaginaire social, cet ensemble de significations, valeurs et représentations partagées qui structurent une société et façonnent sa vision du monde. L’imaginaire collectif agit comme une force invisible qui unit les membres d’une communauté, leur offrant un socle culturel commun. Appliquer cette idée pour évaluer les cultures ou pays les plus attachés à leur imaginaire pose une question clé : quels critères permettent de mesurer la force de cet enracinement?


Les critères d’un imaginaire collectif solide

Plusieurs critères peuvent être utilisés pour identifier les pays où l’imaginaire collectif est particulièrement puissant :

  1. Résilience face à l’immigration: Dans certains pays, même en cas de difficultés économiques ou politiques, les individus restent attachés à leur territoire et résistent à l’idée de quitter leur pays. Ceux qui émigrent, par nécessité ou choix, conservent un fort lien symbolique et affectif avec leur terre d’origine.

  2. Retour au pays après l’immigration: Certains diasporas maintiennent un fort désir de revenir "chez eux", que ce soit pour la retraite ou pour se reconnecter à leurs racines. Cela reflète un attachement viscéral à la terre natale.

  3. Maintien de la résidence principale: Dans les cultures à imaginaire collectif fort, même les citoyens travaillant à l’étranger cherchent à maintenir leur résidence principale dans leur pays d’origine, symbole de leur appartenance.

  4. Faible taux de changement de nationalité: Dans ces cultures, l’identité nationale est précieuse et souvent non négociable, reflétant une loyauté inébranlable à son imaginaire collectif.

  5. Transmission intergénérationnelle de la langue et de la culture: Les cultures profondément enracinées s’efforcent de transmettre leurs traditions, leur langue et leurs valeurs aux générations futures, même en situation d’exil.

  6. Investissement et construction dans le pays d’origine: Les membres de la diaspora montrent leur attachement en construisant des maisons, en finançant des infrastructures ou en investissant dans des entreprises locales.


L’Italie : un imaginaire enraciné dans le quotidien

L’Italie est un exemple éloquent d’un pays où l’imaginaire collectif est particulièrement puissant. Les Italiens sont profondément attachés à leur style de vie, à leur gastronomie, à leurs traditions locales et à leurs liens familiaux. Même ceux qui quittent le pays pour travailler à l’étranger restent ancrés dans leurs origines. Les grandes figures italiennes — qu’elles soient sportives, artistiques ou économiques — résident souvent en Italie, renforçant cette idée que l’identité nationale est indissociable du territoire.


Cet attachement se reflète également dans la diaspora italienne, qui reste active dans la transmission de la langue et de la culture. Les quartiers italiens à travers le monde témoignent de cette volonté de recréer l’imaginaire collectif même en dehors du pays natal.


Le Liban : un paradoxe de l’attachement

Le Liban offre un exemple complexe et paradoxal. Les Libanais, bien que souvent contraints à l’émigration par des crises politiques ou économiques, restent profondément liés à leur pays d’origine. La diaspora libanaise, l’une des plus importantes au monde, conserve des pratiques qui témoignent d’un imaginaire collectif solide : construction de maisons au pays, envoi de fonds à la famille, et maintien de la langue et des traditions.


Cependant, le Liban est marqué par un paradoxe fascinant : malgré cet attachement, le pays lui-même peine à se reconstruire. L’attachement des Libanais à des activités festives et culturelles dans des villes comme Beyrouth semble parfois déconnecté de la réalité socio-économique du pays. Ce contraste met en lumière une question essentielle : peut-on avoir un imaginaire collectif puissant tout en étant incapable de transformer cet imaginaire en projet politique durable?


Imaginaire collectif et modernité : vers une réconciliation?

Les exemples de l’Italie et du Liban montrent que l’attachement à un imaginaire collectif peut s’exprimer de différentes manières. Tandis que l’Italie illustre une continuité entre les pratiques quotidiennes, le territoire et la transmission culturelle, le Liban témoigne d’une déconnexion entre l’attachement symbolique et la réalité socio-politique.

Dans un monde globalisé, où les identités sont souvent fragmentées, ces critères permettent d’interroger la force des imaginaires collectifs et leur capacité à perdurer. Les pays et cultures capables d’unir tradition et modernité tout en maintenant un lien profond avec leur imaginaire sont peut-être ceux qui offrent le modèle le plus durable d’appartenance.


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