top of page

Schizophrénie ou Fragmentation : Quand la Pensée Politique se Fissure

Mar 13

Temps de lecture : 2 min

On entend souvent dire qu’une position politique ou qu’un raisonnement contradictoire est « schizophrène ». Pourtant, cette simplification maladroite masque une réalité plus inquiétante : ce n’est pas de schizophrénie qu’il s’agit, mais de fragmentation mentale. La schizophrénie, en tant que maladie psychiatrique, est un trouble grave de la perception du réel, qui n’a rien à voir avec le fait de tenir des idées opposées ou de justifier des contradictions morales. En revanche, la fragmentation d’une pensée ou d’une identité est un processus socio-psychologique qui permet aux individus de concilier des incohérences insoutenables — souvent au prix de leur humanité.


Des exemples déchirants de fragmentation

Prenons le cas des populations arabo-musulmanes qui dénoncent avec raison les attentats terroristes frappant leur propre communauté, mais qui parfois peinent à condamner avec la même fermeté les violences visant des civils israéliens ou occidentaux. Cette dissociation, alimentée par des décennies de souffrance, d'injustices et d'humiliations, illustre comment des traumatismes collectifs peuvent engendrer des rationalisations dangereuses, où la douleur de « l'autre » devient invisible.

Du côté israélien, on observe une dissonance similaire : défendre avec ferveur les valeurs démocratiques tout en justifiant l’apartheid envers les Palestiniens, en niant leurs droits fondamentaux, et en perpétrant des crimes de guerre. Cette fragmentation permet à une société de se voir comme vertueuse, malgré des actes qui contredisent cette perception.

La Russie, championne autoproclamée des opprimés du Sud global, envoie pourtant les enfants des républiques les plus pauvres se faire massacrer en Ukraine, tout en protégeant les élites des grandes villes. La Chine, qui prône l’harmonie sociale, opprime et déshumanise les Ouïghours dans des camps de rééducation. Ces fractures ne sont pas des anomalies : elles sont cultivées, entretenues, et amplifiées.


La fabrication politique de la fragmentation

Cette fragmentation n’est pas spontanée. Elle est encouragée par des stratèges cyniques qui tirent profit de la confusion des masses. Steve Bannon, architecte de la montée en puissance de Trump, le disait sans détour : « La manière de s’occuper d’eux, c’est d’inonder l’espace médiatique avec de la merde. » En saturant l’espace public de récits contradictoires, les individus perdent leur cohérence intérieure et deviennent vulnérables à la manipulation.


Fragmentation mentale versus schizophrénie

Sur le plan psychologique, la schizophrénie est une pathologie grave caractérisée par des délires, des hallucinations, et une altération profonde de la perception du soi et du monde. Elle résulte d’une rupture de la structure de l'ego. En revanche, la fragmentation mentale dans la sphère politique est un mécanisme de survie qui permet aux individus de compartimenter leurs valeurs pour éviter la dissonance cognitive.

Cette fragmentation est dangereuse : elle permet de justifier l’injustifiable, de déshumaniser l’autre, et d’alimenter les cycles de violence. Les individus fragmentés ne sont pas fous, mais ils deviennent insensibles à leur propre capacité de nuire, ou de cautionner la souffrance d’autrui.


Retrouver la cohérence intérieure

Le remède à cette fragmentation est la lucidité morale : reconnaître ses contradictions, accepter la complexité, et cultiver une empathie qui ne dépend pas des affiliations ethniques, religieuses ou nationales. Tant que nous tolérerons cette fragmentation, les politiques de division prospéreront, et les conflits resteront insolubles.

Reconnaître que la contradiction est humaine, mais que la rationalisation de l’injustice est un choix, est peut-être la première étape vers une guérison collective.

Posts similaires

bottom of page