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Déficits budgétaires : États-Unis vs Union européenne

Oct 21, 2024

Temps de lecture : 6 min

Aux États-Unis comme en Europe, les déficits budgétaires—l'écart entre les dépenses publiques et les recettes—jouent un rôle central dans la politique budgétaire. Cependant, les approches pour gérer les déficits diffèrent considérablement en raison de facteurs institutionnels, politiques et économiques.


Aux États-Unis, il n'y a pas de limite légale stricte sur la taille du déficit budgétaire. Le gouvernement fédéral a historiquement fonctionné avec des déficits, sauf en de rares périodes, empruntant de l'argent pour couvrir les déficits. Les décideurs américains justifient cela en se concentrant sur la croissance économique et la capacité de la nation à rembourser sa dette tant qu'elle peut émettre sa propre monnaie, le dollar américain. Le gouvernement américain peut, en effet, imprimer de l'argent pour couvrir les déficits, mais cela comporte le risque d'inflation s'il est fait de manière excessive.


Dans l'Union européenne (UE), en revanche, la discipline budgétaire est plus formalisée. Le traité de Maastricht, qui a jeté les bases de l'euro, a établi des règles pour la discipline budgétaire. Le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) impose une limite stricte de 3 % du déficit budgétaire d'un État membre par rapport à son PIB. L'idée est d'assurer la stabilité de la zone euro, où plusieurs pays partagent la même monnaie mais ont des politiques budgétaires différentes. Le dépassement du seuil de 3 % peut entraîner des sanctions, bien que l'application ait été laxiste à certaines périodes, notamment en période de crise économique.


Impact des monnaies indépendantes

Une différence clé entre les États-Unis et l'Union européenne est que les États-Unis ont leur propre monnaie, tandis que de nombreux pays européens partagent une monnaie, l'euro. Cette différence affecte profondément la manière dont chaque région gère ses déficits budgétaires.

Pour les États-Unis, le fait de posséder le dollar comme monnaie offre plus de flexibilité dans la gestion des déficits. Le gouvernement américain peut émettre de la dette dans sa propre monnaie, et comme le dollar est la principale monnaie de réserve mondiale, il bénéficie d'une forte demande sur les marchés mondiaux. Cette demande permet de maintenir les coûts d'emprunt bas, même en période de déficits importants. Le Trésor américain peut également compter sur la Réserve fédérale pour adopter des politiques monétaires telles que l'assouplissement quantitatif, qui peut indirectement financer les dépenses publiques en achetant des obligations d'État.


En revanche, les pays de la zone euro n'ont pas le contrôle de leur monnaie, l'euro, qui est géré par la Banque centrale européenne (BCE). Les pays comme la France, l'Allemagne ou l'Italie doivent respecter les règles de la zone euro et ne peuvent tout simplement pas imprimer plus d'euros pour couvrir les déficits. Ce manque de souveraineté monétaire signifie qu'ils doivent être plus prudents avec les déficits, car ils ne peuvent pas dévaluer leur monnaie pour gérer les niveaux d'endettement ou stimuler la croissance. Les pays qui ont dépassé la limite de déficit de 3 % ont fait face à des pressions de la BCE et d'autres institutions de l'UE pour réduire les dépenses ou augmenter les impôts, conduisant souvent à des mesures d'austérité impopulaires.

Pour les pays hors zone euro, tels que ceux de l'Europe de l'Est qui lient leurs monnaies à l'euro ou au dollar américain, les déficits sont encore plus compliqués. Ces nations doivent équilibrer soigneusement leurs budgets car elles ne peuvent pas contrôler le taux de change, ce qui les rend plus vulnérables aux chocs économiques externes et limite leur capacité à réagir de manière flexible aux déficits.


La limite de déficit de 3 % dans l'UE vs la politique des États-Unis

La limite de déficit de 3 % imposée par l'UE repose sur la volonté de maintenir la stabilité budgétaire et de prévenir des niveaux d'endettement public excessifs. Cette limite vise à empêcher les pays de s'engager dans des emprunts insoutenables qui pourraient compromettre la stabilité de l'euro. La politique budgétaire de l'UE vise à garantir que les déficits restent gérables et que les pays n'accumulent pas de dettes excessives, ce qui pourrait entraîner des crises financières et des renflouements, comme cela a été le cas en Grèce dans les années 2010.

En revanche, les États-Unis n'ont pas de limite formelle sur leur déficit budgétaire, bien qu'ils aient un plafond de la dette, qui est un plafond sur le montant total que le gouvernement fédéral peut emprunter. Cependant, ce plafond a été relevé à de nombreuses reprises, souvent après des impasses politiques, permettant ainsi de poursuivre les emprunts. En pratique, les déficits américains ont tendance à augmenter pendant les périodes de récession ou de crise et devraient diminuer pendant les périodes de croissance économique, bien que les facteurs politiques empêchent souvent cela.


La règle des 3 % de l'UE est plus rigide que la politique budgétaire des États-Unis, qui tend à être plus discrétionnaire, permettant une plus grande flexibilité pour répondre aux ralentissements économiques. Aux États-Unis, le débat politique se concentre davantage sur la manière de gérer les déficits—que ce soit par la réduction des dépenses ou la hausse des impôts—plutôt que sur le respect d'une limite numérique stricte. Bien que la règle des 3 % dans l'UE soit destinée à promouvoir la responsabilité budgétaire, elle peut également limiter la capacité des gouvernements à répondre aux crises, comme on l'a vu pendant la pandémie de COVID-19, lorsque de nombreux pays de l'UE ont dû dépasser cette limite pour soutenir leurs économies.


Durabilité des politiques de déficit : croissance vs retarder les problèmes

Une question cruciale est de savoir si ces politiques de déficit sont durables à long terme ou si elles ne font que reporter des problèmes plus importants aux générations futures. Aux États-Unis, le déficit fédéral continue de croître, avec des ratios dette/PIB atteignant des niveaux jamais vus depuis la Seconde Guerre mondiale. Bien que les États-Unis puissent actuellement honorer leur dette grâce à des taux d'intérêt bas et à la demande mondiale de dollars, cette situation pourrait ne pas durer éternellement. Si les taux d'intérêt augmentent ou si la confiance mondiale dans le dollar diminue, les États-Unis pourraient faire face à de sérieux défis budgétaires.

En Europe, la règle du déficit de 3 % est conçue pour prévenir une telle instabilité budgétaire à long terme, mais elle peut également freiner la croissance. Lorsque les gouvernements sont contraints de réduire les dépenses pour respecter la limite de 3 %, cela peut entraîner une croissance économique plus lente, un chômage plus élevé et des troubles sociaux, comme on l'a vu pendant la crise de la dette de la zone euro. De plus, des défis démographiques, tels que le vieillissement de la population et la diminution de la main-d'œuvre, pourraient aggraver les pressions budgétaires en Europe, rendant plus difficile le maintien de niveaux d'endettement soutenables même avec la règle des 3 %.


Rôle de la croissance économique et de la croissance démographique

La croissance économique et la croissance démographique jouent toutes deux un rôle crucial dans la durabilité des politiques de déficit. Une croissance économique plus élevée augmente les recettes fiscales, ce qui permet aux gouvernements de mieux rembourser leur dette. Aux États-Unis, une population relativement jeune et des niveaux d'immigration plus élevés ont soutenu la croissance à long terme, ce qui aide à atténuer l'impact des déficits. Cependant, si la croissance ralentit, le fardeau du déficit pourrait devenir beaucoup plus sévère.


En Europe, où la croissance démographique est plus lente et où la population vieillit plus rapidement, le défi est encore plus grand. Une croissance économique plus faible signifie que même de petits déficits peuvent entraîner une augmentation rapide des niveaux d'endettement. Certains pays européens ont déjà connu cette dynamique, ce qui a conduit à des appels à réformer les systèmes de retraite et d'autres programmes sociaux pour résoudre les déséquilibres budgétaires à long terme.


Conclusion

Les États-Unis et l'Union européenne adoptent des approches très différentes pour gérer les déficits budgétaires, influencées par leurs systèmes monétaires, leurs règles budgétaires et leurs contextes politiques respectifs. Bien que les États-Unis bénéficient de plus de flexibilité en raison du statut de monnaie de réserve mondiale du dollar, cet avantage pourrait s'éroder avec le temps si les déficits ne sont pas contrôlés. Les règles budgétaires plus strictes de l'Europe visent à assurer une stabilité à long terme, mais elles peuvent également limiter la capacité des gouvernements à répondre aux défis économiques. Les deux régions sont confrontées à des défis importants pour rendre leurs politiques de déficit durables, et le rôle de la croissance économique et démographique sera essentiel pour déterminer si ces politiques sont viables à long terme ou si elles ne font que retarder une échéance financière pour les générations futures.

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